10 août 2007

"Raja", les illusions perdues de Doillon

"Raja" de Doillon (2003), c'est la rencontre impossible entre des univers étrangers... Un homme qui aborde la cinquantaine, une jeune femme de 19 ans, un Français une Marocaine, un possédant désabusé, une fille du peuple malmenée par la vie, un néo-colon, une colonisée qui vit une liberté amère dans son pays. Un film sans esbroufe, d'une richesse surprenante.

Français confortablement exilé dans sa résidence de Marrakech, Fred ne fait rien de ses journées, et n'en attend pas grand-chose. Ses contacts les plus proches semblent être son régisseur, et surtout les deux femmes d'âge mûr qui prennent soin de sa maison et de lui. Dans ce désert des Tartares marocains, son attention est attirée par Raja, jeune femme entrée à son service.


Ce n'est pas vraiment une histoire du désir, plutôt celle de l'indécision, du renoncement. Si l'homme est le classique néo-quinquagénaire désabusé, Raja, elle, a un rude parcours derrière elle : orpheline, prostituée plus qu'occasionnelle, "fiancée" à un homme de son âge, chômeur chronique qui ferme les yeux sur ses passes et ses galères

D'entrée de jeu, le rapport est faussé, entre colon/colonisée, Occidental aisé et fille du Maghreb démunie qui rêve d'un mariage improbable et salvateur. Improbable avec Fred, personnage 100% masculin qui s'ausculte et s'écoute parler en permanence, exprimant ses sentiments, ses amertumes en français, à une jeune Arabe qui ne comprend rien.

Raja, c'est un beau personnage féminin, qui n'est idéalisé ni moralement ni physiquement. Elle se bat au jour le jour, sans savoir très bien qui elle est et peut devenir... Quand elle doit affronter physiquement Fred, dont les revirements permanents rendraient n'importe qui dingue, on comprend que "lutter" n'est pas pour elle un vain mot. Durant tout le film, l'un et l'autre s'épuisent dans un parcours en spirale qui les ramène toujours au triste point de départ. Pour Fred, c'est un tourment existentiel, pour Raja, une question de survie.La différence fondamentale est là.

La direction d'acteur, la justesse et la générosité de l'interprétation de Pascal Gregorry et de Najat Benssallem sont confondantes. C'est un vrai bonheur de réalisateur... et d'acteurs.


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