30 mars 2007

H2Haine


Belle et inquiétante affiche pour "H2Odio", thriller d'Alex Infascelli qui met en scène des jeunes femmes en été, près des eaux d'un lac glauque. "H2Haine" ne semble pas avoir eu l'honneur d'une sortie en France...

Pulp Saunders

Norman Saunders (0907-1989) mena une longue carrière d'illustrateur populaire, en particulier dans l'univers de la "pulp fiction". Fût-ce en créant cette scène de lutte improbable entre un méchant nazi et le héros armé d'un bâton de ski, venant au secours de jeunes femmes pulpeuses (cela va de soi) et en risque aigu d'hypothermie.

Dessinateur éclectique, Saunders illustra également une édition bon marché de "Germinie" des Frères Goncourt (paru en 1866), récit de la descente aux enfers d'une servante autrefois chaste et dévouée à sa "maîtresse". Il n'a pas oublié le "french" béret.

Son métier l'amenant bien évidemment à cotôyer quantité de modèles, il épousa l'une d'entre elles, Ellene Politis, en 1947. Il eût pu faire un plus mauvais choix...


  • D'un clic, un panorama des couvertures de Saunders...
  • 29 mars 2007

    Wet clothes


    " My clothes were wet and covered in mud

    and then I found a beautiful lake... "


    Flamme fragile

    "Feu Follet", Louis Malle, 1963. Maurice Ronet campe un fils de bonne famille vieillissant, ancien pilier des nuits parisiennes, nuits de bringue, retour à l'hôtel à l'aube, avec une femme ou une autre, séducteur déchu, alcoolique mondain réfugié dans une clinique chic. La fragilité faite homme. Un dernier tour dans un Paris veilli, usé, gris, au sortir de deux ou trois guerres, dont deux lointaines. Ce qui l'animait, cette brillance, cette superficialité, ce tourbillon parisien ne lui procure plus rien. Ultimes rencontres ratées avec un intello rangé, des décadents désoeuvrés,de grands bourgeois, des frères engagés dans l'OAS... Tous s'adressent à lui, personne ne lui parle. Dans une scène sobrement grandiose, faite de multiples faux-départs, l'acteur en mouvement, mains tendues, il explique que ses mains, que son être ne peuvent plus toucher. Rien ne le retient plus. Il s'en va. Définitivement. Un sobre apogée du réalisateur et de l'acteur, qui portent au sublime le roman de Drieu La Rochelle.

    Night shift


    "Bathroom - Mary, Allison, Me "

    27 mars 2007

    Gold Gotha


    Classe, très classe,
    pose et angle de prise
    de vue évoquant un
    Christ en croix,
    bras non liés, poignets non cloués,
    mais ouverts, tout de même,
    longue perspective,
    coin de chair et de soie
    suavement fiché dans l'esprit du
    spectateur.

    Vice Versa


    Dans ce dessin,
    préfèreriez-vous être :

    A Le personnage ?

    B Le dessinateur ?

    C Le fusain ?

    D Le clip sur la feuille ?



    24 mars 2007

    Harvard : la coupe déborde !..

    Ils s'appellent Sarah Kinsella et Justin Murray. Ils sont étudiants à la prestigieuse Université d'Harvard. Ils ont une relation, mais chaste. Ils sont entourés de 6 700 étudiantes et étudiants de 1er et 2ème Cycle, dont 71% avouent forniquer régulièrement. Ils sont confrontés au spectacle de leur "mates" dénudé(e)s" dans "H-Bomb" (sic), magazine porno soft local, aux affiches du Centre de santé du campus proposant du lubrifiant gratuit ...

    Ils ont décidé de réagir. Ils ont fondé le groupe "True Love Revolution", qui prône l'abstinence.

    Bon courage...

    Photo : AP

    L'enfer a un prénom : Katrina

    Lorsqu'un maire demande à sa population de fuir une catastrophe naturelle chacun par ses moyens, mauvais temps pour les sans-voiture, les Noirs, les tout petits Blancs, les femmes et filles rudoyées, violées, les enfants et vieillards déshydratés, affamés…

    Les foules d'hommes, et surtout de femmes et d'enfants noirs terrifiés, épuisés, parqués au "Superdome", à la Nouvelle-Orléans, pendant et après le passage de l'ouragan Katrina et les inondations, resteront une des images les plus marquantes de ce début de siècle.

    Katrina, ce ne fut pourtant qu'une tragique accentuation de la situation "normale" dans cette ville vidée depuis longtemps de sa population blanche, à l'exclusion de quelques zones, dont le "French Quarter". On y mourait déjà beaucoup, et tous les jours, auparavant...

    Première puissance mondiale, les Etats-Unis se sont découverts "impuissants" face à une situation digne du Tiers-Monde. La colère qui est alors montée de l'ensemble du pays, conservateurs et "libéraux" confondus a sans doute marqué le renouveau d'un esprit public combattu depuis des décennies… Mais un peu tard.

    " Do you get the anger out here ? "

    Trois jours et demi après le passage dévastateur de Katrina, alors que des centaines de milliers de sinistrés attendaient désespérément l'aide fédérale, Anderson Cooper, correspondant de CNN, interpellait en direct Mary Landrieu, Sénatrice démocrate de Louisiane, qui se confondait en remerciements envers ses collègues pour les crédits votés...

    Mary Landrieu :

    Je voudrais remercier les anciens Présidents Clinton et Bush (père, ndlr) pour les fermes déclarations de soutien et de consolation qu'ils ont faites aujourd'hui. … Je veux remercier le Sénateur Frist et le Sénateur Reid pour leur extraordinaire implication. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, Anderson - peut-être même l'a-t-on annoncé sur votre chaîne - mais ce soir, le Congrès est sur le point d'entamer une session sans précédent pour voter un budget de 10 milliards de dollars en faveur de la FEMA (Federal emergency management agency, ndlr) et de la Croix Rouge

    Anderson Cooper :

    Excusez-moi, Sénateur… Non, je n'ai pas entendu parler de cela, parce que, ces quatre derniers jours, j'ai vu des cadavres dans les rues, ici, dans le Mississipi. Alors … quand ils entendent les politiciens échanger des politesses, les gens en sont malades, enragés et frustrés, parce qu'hier, pour tout dire, il y avait un cadavre dans les rues de cette ville en train de se faire bouffer par les rats, parce que cette femme gisait là depuis 48 heures. Et on n'avait pas assez de moyens pour l'emmener. Vous comprenez la colère qui règne dehors ?

    ML :

    Anderson, cette colère, je l'ai en moi. … La plupart des maisons des membres de ma famille ont été détruites, nos maisons ont été détruites. Je comprends ce que vous dîtes, je connais tous ces informations, le Président des USA est lui aussi au courant … J'ai confiance. Ce pays est assez grand et puissant pour surmonter cette épreuve … et nous sommes sur la bonne voie …

    AC :

    … J'insiste… les gens ici veulent des réponses, ils veulent que quelqu'un se lève et reconnaisse : " Vous savez quoi ? Nous aurions dû faire plus. Avons-nous mobilisé tous les moyens disponibles ? "

    ML :

    Anderson, Anderson…

    AC :

    Non mais, c'est vrai… Aujourd'hui, c'est la première fois que je vois la Garde Nationale dans cette ville !

    ML :

    Anderson, je sais tout cela. Je sais où vous êtes. Je sais ce que vous voyez. Nous le savons, croyez-moi. Et nous comprenons qu'il faudra, à un moment, tout poser sur la table. Croyez-moi. Je sais ce qu'endurent ces gens. Le Gouverneur le sait. Le Président le sait. L'Armée en est consciente. Et nous sommes tous en train de faire notre possible pour stabiliser la situation …

    (traduction du bloggeur-en-chef)

    D'un clic, l'échange "live" entre Cooper et Landrieu…

    D'un clic, le texte intégral de "l'interview"…

    21 mars 2007

    Proue


    Je ne sais de quand date cette photo... Par la forte présence de ce corps, l'expression volontaire de ce visage, elle évoque une vision de la femme affirmée dans les années 30, répandue de l'Union soviétique aux démocraties occidentales... Je pense en particulier aux bronzes fascinants de Maillol, dans le Jardin des Tuileries. Une époque où l'idéal féminin n'était certes ni évanescent, ni longiligne.

    Ce cliché revendique également un naturel annonciateur des années 60-70, quelque peu renié aujourd'hui.


    C'est un bel et sobre hommage au corps féminin, à une puissante féminité qui puise sa source en l'être et son rapport privilégié aux éléments naturels.

    20 mars 2007

    Christique Madonna

    S'appeler "Madonna", c'est se placer sur le territoire du Sacré, du "catholique", dans cet univers tout à fois saint et trouble entre désir et renonciation, pureté et tentation. Subliminalement, c'est rechercher l'adoration, la dévotion.

    Sur cette photo, Madonna se dresse, déesse impérieuse et cambrée, face à ses admirateurs, pardon à ses adorateurs. Elle domine le flot des humains en transes, bras tendus, mains crispées vers l'inaccessible.

    Ici, le public adulateur est vraisemblablement gay *. Ce qui nous ouvre des perspectives à l'infini, des mises en abyme somptueuses, dans un univers de dévoration désirante et de transgression.

    Une star de cette stature échappe au registre de la musique, de la chanson. Elle éveille, elle génère des mouvements de l'âme et des masses nichés au plus profond de notre inconscient personnel et collectif.

    De Madonna aux déesses-mères, on pourrait tracer un fil directeur, une ligne vibrante nourrie de notre besoin primordial d'évasion désirante, de transcendance délirante.
    Il faudrait alors évoquer le dilemme éternel : la "maman ou la putain. Madonna incarnerait alors un délicat équilibre entre "pietà" et "puta".

    Comment, j'exagère ?..

    * le Roxy est un "spot" homo newyorkais.

    18 mars 2007

    Sauvons Ducky !!!

    Officiellement, "Ducky" est un innocent canard en plastique jaune, exposé dans les pages "bien-être" de l'honorable "Catalogue Printemps-Eté 2007" de La Redoute (p 292). Son bleu regard candide, son bec d'un orange éclatant attirent la sympathie, évoquent irrésistiblement le bonheur paisible des bains pris dans l'enfance. Un œil ou un esprit porté sur la suspicion pourraient s'étonner que "Ducky" soit présenté comme "compagnon idéal pour un bain rempli de douceur et de volupté"… mais on a l'habitude, avec ces sacrés publicitaires!..

    Seulement voilà : "Ducky" a une face cachée. Il peut également s'acheter en noir sur le site web de La Redoute. "Tiens donc", se dit l'observateur alarmé, "un compagnon de volupté aquatique, de noir vêtu… ". L'œil suspicieux balaie alors la rubrique à laquelle est (r)attaché Ducky. Il y trouve des "masseurs" aux formes oblongues, courbes ou plus tourmentées, d'un diamètre variant entre 3,5 et 4 cm, portant les noms poétiques de "Mini-chenille", "Va-et-vient", "Nervuré", "Rotatif double plaisir", "Rechargeable (sic) Durex", et, plus en accord avec Ducky : "Dauphin". Accompagnés des "Smartballs", ou boules de geisha high-tech, de "l'huile d'amour Kamasutra", ces "masseurs" (désignés plus explicitement sur le site) promettent "3 programmes de vibration réglables" ou vibrations et rotations réglables". Et allez donc !..

    L'observateur à présent incrédule, hébété, considère d'un œil vitreux le candide palmipède… Quel rôle "Ducky" joue-t-il donc dans la féminine intimité de la salle de bain, sachant que, mais non, mais si, il est lui aussi alimenté par piles ?! L'esprit, alors, bat la chamade. Des scènes insoutenables, voire d'horreur se profilent. Non, ce petit canard jaune (ou noir, d'accord) pas lui, tout de même…

    Aussi, en tant que Président et fondateur du COUAC (Comité onusien Unité et Action pour les Canards), je vous invite toutes et tous à envoyer le mail suivant à : www.laredoute.fr :

    "Madame, Monsieur,

    C'est avec horreur que je constate votre tentative de détourner l'innocent canard en plastique jaune de mon enfance vers des pratiques que la morale réprouve. Au nom du COUAC et de la morale commune, je vous informe donc que je suspendrai tout achat auprès de votre entreprise jusqu'à ce que le petit "Ducky" (jaune, ou même noir vendu avec 20% de réduction) soit retiré de votre site (immédiatement) et de votre prochain catalogue.

    Veuillez recevoir, Madame, Monsieur, mes respects consternés.

    PS : Et enlevez-lui ces piles !"


    Courage, Ducky! On arrive !

    Pas de fumée sans feu...

    Woodstock - Août 1969.
    Je ne suis pas certain que l'ensemble des "hippie chicks" présentes aient été aussi sophistiquées...



    Allelioulia !

    Politicienne avertie, séductrice, femme d'affaires accomplie, Ioulia Timochenko a été "la Madonne de la Révolution orange" en Ukraine. Pour ses adversaires russophiles et russophones, elle est plutôt "la princesse du gaz", en référence à une ou deux enquêtes sur sa famille et elle à propos du négoce de cette précieuse matière première.
    Quoi qu'il en soit, "Ioulia" comme l'appellant affectueusement les Ukrainiens, n'a pas fini de donner du fil à retordre au Président Viktot Iouchtchnko, son ancien allié.

    Ténébreuse businesswoman brune en butte aux tracasseries de la justice, elle s'est muée en une jeune Ukrainienne blonde, arborant finalement de longues, longues tresses réunies sur sa tête en une coiffure traditionnelle.

    Sommée un jour d'en prouver l'authenticité, elle les a simplement déployées en riant.

    Dans la lointaine Ukraine, Ioulia symbolise les nouvelles femmes de pouvoir, conscientes des pouvoirs conjugués de leurs compétences et de leur féminité.

    Je ne sais pas pourquoi, mais cela me rappelle quelqu'un(e). Une Française, plus précisément.

    17 mars 2007

    Don't lay your hands on my mind

    En 1970, Andreas Baader crée le groupe terroriste "Rote Armee Fraktion". Appliquant une idéologie maoïste de guérilla urbaine (avec l'appui de l'Allemagne de l'Est), la "Bande à Baader" commet attentats et assassinats politiques. Naissent alors les "Années de plomb" allemandes, durant lesquelles l'Etat, en réplique au terrorisme et à l'émergence d'un puissant courant contestataire dans la jeunesse, met en place un dispositif sécuritaire et répressif sans précédent.

    Dès juin 1972, les membres de la 1ère génération de la RAF sont arrêtés. Mais les attentats se poursuivent. Baader et ses lieutenant(e)s sont emprisonnés dans la prison de très haute sécurité de Stammheim, où ils sont soumis à des pratiques d'isolement et de privation sensorielle. Le 8 mai 1976, Ulrike Meinhof est retrouvée pendue dans sa cellule. L'enlèvement par la RAF d'Hans Martin Schleyer, patron des patrons allemands, en septembre 1977, puis le détournement d'un avion de la Lufthansa par un commando palestinien scellent le sort des autres prisonniers. Le 18 octobre, Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe sont retrouvés "suicidés" par arme à feu dans leurs cellules. Ingrid Schubert "se pend" à son tour en novembre. Entretemps, Schleyer aura été tué en représailles par la RAF. Assassinats terroristes et répression aveugle se poursuivront plus ou moins intensément jusqu'en 1990.

    Ces sombres événements sont évoqués par "Marquis de Sade" en 1981 dans le titre "Final fog (brouillard définitif)", sur l'album "Rue de Siam". Chanteur et auteur des textes, Philippe Pascal manie avec talent ellipses et métaphores, une faculté rarement exprimée dans la pop et la chanson françaises… Voix, musique et rythmique impitoyable portent le morceau à son point d'incandescence.


    " Sous les morsures aveugles, la lumière agonise
    Le jour mis en pièce cicatrise sous les cendres
    Des nuits illuminées
    Eclaboussées des cris
    D'ombres sauvages traquées qui se laissent prendre
    Douce uniformité (trait noir sur nos regards)
    De formes émoussées
    Fondues dans ce brouillard définitif


    Don't lay your eyes on my mind
    Down in Stammhein
    Don't lay your hands on my brain
    No place to hide


    Les lendemains planifiés, nos souvenirs inutiles
    Le temps figé s'est résigné à hurler présent
    La musique psychiatrique
    Tranxène, neuroleptiques
    S'infiltre en toi, guide tes pas, droit devant
    Les règles sont fixées (un triangle sur nos rêves)
    Le décor est stressé
    Déformé dans ce brouillard définitif


    Don't lay your eyes on my mind
    Down in Stammhein
    Don't lay your hands on my brain
    And no place to hide
    And I hold myself tight
    (In the final fog of Stammheim)
    It's a nice place to die
    To be handed suicide


    La guérilla urbaine pour s'extirper des sangles
    Accentue la pression, de l'ordre sur nos vies
    Ses gestes détournés
    A la fin nous étranglent
    Implantent la peur dans nos pupilles rétrécies
    Nous sommes sous influence (il n'y a pas d'issue)
    Des larves sans défense
    Rejoins les chiens dans le brouillard définitif


    Don't lay your eyes on my mind
    KZ methoden
    Don't lay your hands on my brain
    Stammheim-Belsen
    And I hold myself tight
    In the final fog of Stammheim
    It's a nice place to die
    To be handed suicide
    Don't lay your eyes on my mind
    Down in Stammhein
    Don't lay your hands on my brain
    No place to hide
    Don't lay your eyes on my mind
    KZ methoden
    Don't lay your hands on my brain
    Stammheim-Belsen. "



  • D'un clic, des extraits de l'album "Rue de Siam"…
  • Les bontés de Madame

    Vraisemblablement inspiré par l'assassinat de leurs patronnes par les sœurs Papin en 1933, Jean Genet écrivit "Les Bonnes", mise en scène pour la première fois par Louis Jouvet au Théâtre de l'Athénée, en 1947. Cascadante, brillante, prenante, cette pièce explore l'univers clos de la névrose ancillaire, née du rapport ambigu, étouffant entre dominante et dominées.

    Madame (elle caresse la robe de velours rouge)
    … Ma belle "Fascination". La plus belle. Pauvre belle. C'est Lanvin qui l'avait dessinée pour moi. Spécialement. Tiens ! Je vous la donne. Je t'en fais cadeau, Claire !

    Solange :

    Madame est trop bonne. (A Claire.) Vous pouvez remercier Madame. Depuis le temps que vous l'admiriez.

    Claire :

    Jamais je n'oserai la mettre. Elle est si belle.

    Madame :

    Tu pourras la faire retailler… Telles que je vous connais, je sais qu'il vous faut des étoffes solides. Et toi, Solange, qu'est-ce que je peux te donner ? Je vais te donner… Tiens, mes renards.

    Madame :

    … Enfin. Vous avez de la chance qu'on vous donne des robes. Moi, si j'en veux, je dois les acheter …

    ………………………………………….

    Claire :

    Nous adorons Madame.

    Madame :

    Et vous avez raison. Que n'ai-je pas fait pour vous ?

    Claire :

    Madame nous a vêtues comme des princesses. Madame a soigné Claire ou Solange, car Madame nous confondait toujours. Madame nous enveloppait de sa bonté. Madame nous permettait d'habiter ensemble ma sœur et moi. Elle nous donnait les petits objets dont elle ne se sert plus. Elle supporte que le dimanche nous allions à la messe et nous placions sur un prie-Dieu près du sien.

    Madame (en coulisse) :

    Ecoute ! Ecoute !

    Claire :

    Elle accepte l'eau bénite que nous lui tendons et parfois, du bout de son gant, elle nous en offre !

    Madame (en coulisse) :

    Le taxi ! Elle arrive. Hein ? Que dis-tu ?

    Claire (très fort) :

    Je me récite les bontés de Madame.

    Madame (entre, souriante) :

    Que d'honneurs ! Que d'honneurs… et de négligence. (Elle passe la main sur le meuble) Vous les chargez de roses mais n'essuyez pas les meubles.


    Les Bonnes - Jean Genêt - Folio

    Photo : "Les Bonnes" par la Troupe "Sacré Théâtre", mise en scène de Ralph Yarrow - 2001
    Actrices : Dani Limon, Claudine Tourniaire



    14 mars 2007

    Déchirure


    Un instant de grâce intense ,
    où se suspend la domination,
    laissant place
    à la rêverie tendre
    émergée des mondes de l'enfance,
    de l'adolescence,
    à l'autre comme être
    et non sujet de désir,
    de possession.


    10 mars 2007

    War songs

    Ultime opéra rock symphonique, "The Wall" est hanté par la Deuxième Guerre mondiale, qui fit de Roger Waters, futur parolier, compositeur et bassiste de Pink Floyd, un précoce orphelin. Dans "Vera", Waters évoque Vera Lynn, figure féminine étroitement liée aux années de raids aériens, de fer et de sang :

    " Does anybody here remember Vera Lynn ?

    Remember how she said that

    We would meet again

    Some sunny day ? "

    Agée d'à peine 23 ans au déclenchement de la guerre, Vera Lynn devint, par son émission "Sincerely yours", ses visites d'hôpitaux, ses concerts aux armées en Birmanie, "la chérie (l'Ange) des Forces armées".

    En 1942, elle enregistra "We'll meet again", qui évoquait les amours séparées, l'incertitude des retrouvailles, l'attente de l'harmonie de la paix retrouvées :

    " Continue de sourire

    Comme tu le fais toujours

    Jusqu'à ce que le ciel bleu chasse les sombres nuages

    Dis bonjour de ma part

    à mes copains

    Dis-leur que je reviendrai bientôt,

    Et ils seront heureux de savoir

    que je chantais cet air

    Quand tu m'as vu partir "

    "We'll meet" accompagna les combattants britanniques, leurs familles et leurs bien-aimées jusqu'à la fin du conflit, dont elle devint l'hymne officieux.

    Les soldats allemands, quant à eux, s'emparèrent de "Lili Marleen", bluette nostalgique créée par Lale Andersen en 1938, finalement "lancée" par la Radio militaire de la Wehrmacht à Belgrade, en 1942. Là encore, une femme s'appropriait et chantait la tristesse d'un homme, d'un combattant.

    Adaptée d'un texte d'Hans Leip, écrit lors de le guerre précédente, en 1915, "Lili Marleen" est construite autour de l'image d'un lampadaire à l'entrée d'une caserne. Le narrateur retrouvait là sa bien-aimée, mais, guerre oblige, il ont été séparés...

    Demeure la lanterne :

    " Elle connaît tes pas

    Ta démarche élégante

    Tous les soirs, elle brille,

    Mais elle m'a oublié depuis longtemps

    Et s'il devait m'arriver malheur

    Qui se trouverait sous la lanterne

    Avec toi, Lili Marleen ?.. "

    Pas de quoi vous inciter à monter à l'assaut, n'est-ce-pas ? C'est bien ce que pensa le régime nazi, qui tenta d'interdire "Lili Marleen", comme le montre Fassbinder dans le film éponyme.

    Seulement voilà, on peut asservir, détruire des peuples et des êtres, mais pas des chansons…

    Les soldats alliés s'emparèrent à leur tour de "Lili Marleen". Le Gouvernement de sa Majesté ordonna la création d'une version anglaise qu'interprétèrent Vera Lynn, of course, et Anne Shelton.

    Le "Lili Marlene" anglais abandonna l'ambiance romantique et impressionniste germanique.

    La strophe traduite plus haut devint :

    " L'ordre vint de prendre le large

    pour ailleurs, loin d'ici,

    Etre confiné dans cette caserne

    était plus que je ne pouvais en supporter

    Je savais que tu attendais dans la rue

    J'entendais tes pas

    Mais ne pouvais te retrouver,

    Ma petite Lili du Réverbère,

    Ma Lili Marlène à moi ".

    Oui, bon…

    Interprète la plus célèbre, Marlene Dietrich n'enregistra la chanson qu'en 1944.

    Star, elle eut droit à sa propre version.

    Ce qui donna :

    " Donne-moi une rose pour me montrer combien tu tiens à moi,

    attachée à la tige, une boucle de tes cheveux dorés

    Sûrement, demain tu auras le blues

    Mais alors viendra un nouvel amour,

    à toi, Lili Marleen,

    vers toi, Lili Marleen ".

    Plus glamour, indeed.

    Revenons au double album "The Wall". Lorsqu'il sortit, en 1979, la Deuxième Guerre mondiale était vieille de 34 ans. Celle du Vietnam s'était achevée 4 ans plus tôt. Confrontation délirante, ravageuse, elle fit s'affronter un peuple asiatique sous la férule d'un gouvernement communiste et la technologie, les enfants égarés d'une grande puissance matérialiste, impérialiste. Elle conclut le triste cycle initié en 1939.

    La décomposition qu'entraîna ce conflit dans la société et l'âme américaine est rendue, puissance 10, dans le magistral "Apocalypse now" de Francis Ford Coppola, sorti lui aussi en 79. On y voit cette nouvelle génération de soldats, jeunes péquenots ricains paumés, plongés dans l'enfer pour un an, tenant à coup de "H", de rock et de "LSD".

    Dans le film, les spectacles dispensés aux soldats perdus dans la jungle sont de véritables shows hollywoodiens, avec créatures dénudées, déluge de décibels et pyrotechnie… Oubliées, les suaves marraines de guerre !..

    "Chevauchées des Walkyries" mise à part, la BO d'"Apocalypse now" reflète ce qu'écoutaient les GI's harassés dans leur walkman. On passe d'"I can't get no satisfaction" des Stones à l'adéquat et crépusculaire "The End" des Doors, en passant par "Surfin' Safari" des Beach Boys, évocateur d'un paradis perdu.

    Mais le symbole musical de la Guerre du Vietnam, c'est avant tout l'interprétation torturée de "The star spangled banner", l'hymne américain, par Jimi Hendrix, au Festival de Woodstock, apogée, en août 1969, de la contestation festive, hédoniste et pacifiste.

    Portés, transportés par l'acide, le LSD ingurgité sans la moindre modération, Hendrix et son groupe émergèrent sur scène le lundi matin, alors que ces "trois jours de paix, de musique et d'amour" appartenaient déjà à l'histoire, ainsi que le "flower power" qui les avait suscités. Les accords vibrants, lancinants distordus, arrachés à sa guitare par l'ancien parachutiste de la "101th Airborne", marquaient la fin d'une époque qui avait revendiqué l'innocence.

    J'ignore ce qu'écoutent les GI's pris aujourd'hui dans le guêpier irakien (courtesy of Georges W. Bush)... Mais, c'est bien connu, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était...

    Hendrix, le corps électrique

    Pour produire sa musique révulsée et planante, Jimi Hendrix s'engageait corps et âme dans un duel avec amplis, puissance du son et ondes sonores.

    " En temps normal, Hendrix réglait ses Marshall au maximum de volume et de tonalité, tous les boutons sur 10, et il ajustait le niveau sonore directement sur sa guitare. Des années d'expérience lui avaient appris à positionner son corps et son instrument par rapport aux coffres de haut-parleur de façon à ce que les feed-backs obtenus modulent le son à sa guise : en tonalité haute et harmonique, basse et basique, ou intermédiaire. Pour des numéros de bruitisme pyrotechnique tels que "Machine gun" à son paroxysme ou l'intro du "Wild Thing" de Monterey, il provoquait une pure explosion de son en cognant sur la guitare, "sélectionnait" la fréquence requise en bougeant en avant et en arrière jusqu'à ce qu'elle émerge de la mêlée, la modifiait en actionnant le vibrato, et 'interrompait" le son ou le faisait "flotter" en s'interposant lui-même entre les micros de sa guitare et les haut-parleurs des amplis. Quand il voulait revenir à une technique conventionnelle, il pouvait le faire en baissant le volume de sa guitare jusqu'à un niveau plus "maniable", et sortir ensuite des sons en feed-back. "

    Il y a donc fusion entre l'esprit explosé de l'artiste, sa position dans l'espace, dans le flux sonore, et les vibrations reçues par son public. Dans ses paroxysmes répétés, saturés, réverbérés, les jaillissements électrifiés d'Hendrix sont fondamentalement, essentiellement humains, jaillis du plus profond de l'humain.


    Extrait de : "Jimi Hendrix, vie et légende", Charles Shaar Murray (Points Seuil )


  • D'un clic, le site "officiel" sur Jimi...
  • 6 mars 2007

    Rappelle-toi, Barbara

    Actrice intense, plus que star, Barbara Sukowa a apporté sa vibrante contribution à l'oeuvre de Fassbinder ("Berlin, Alexander Platz" - "Lola"), Margarethe Von Trotta ("Rosa Luxemburg" - Prix d'interprétation Féminine, Cannes, 1986) et Lars Von Trier (l'envoûtant et hanté "Europa").