10 septembre 2007

My name is England. Lynndie England.


Je m'appelle England. Lynndie England.

Je suis née en Virginie, en 1982.
Mon père travaille toujours à l'entretien des voies ferrées. Il gagne 1 500 dollars par mois.
J'ai grandi dans un "trailer park", un parc de caravanes, de mobil-homes, à Fort Ashby.
Notre "trailer" est loué 200 dollars par mois.
J'étais plutôt un garçon manqué.

J'ai d'abord travaillé chez Pilgrim's Pride, une usine d'abattage de poulets.
J'ai démissionné, car c'était trop glauque.
Ensuite, j'ai été caissière à l'IGA.

Je me suis mariée à un gars du pays. J'ai divorcé

Puis je me suis engagée dans l'armée à 17 ans, la police militaire, pour payer mes études.

C'est là que j'ai rencontré Charles Graner, une grande gueule, un type assez "wild", 15 ans plus âgé que moi. Avant, il avait été gardien de prison.
C'est dire s'il était qualifié pour la suite.

On s'amusait bien, Charles et moi. Enfin, je crois.

Il aimait qu'on fasse des trucs un peu spéciaux, et encore plus les prendre en photo.
Alors, je suis devenue son petit jouet, son petit modèle porno.
C'est fou, ce qu'on peut faire en s 'amusant.

En juin 2003, nous nous sommes retrouvés, un groupe de 20, en Irak. J'avais 21 ans.
On crevait d'ennui et de chaleur dans une sorte d'entrepôt.

Charles organisait des semaines à thèmes, sur des thèmes de cul, plus précisément.
Et il prenait toujours des photos.
Quand nous avons été mutés à Abu Ghraib, ça chauffait tout autour de la prison et dans la prison. Il y avait des tas de gens là-bas, pour "s'occuper" des prisonniers : soldats, police militaire, CIA.
L'objectif était de faire craquer les détenus, les "terroristes",
par toutes les pratiques d'humiliation possibles et imaginables.
Mon boulot, c'était de les empêcher de dormir durant les longs interrogatoires. Personne ne semblait trouver cela anormal. Le 11 septembre, et tout ça...

Charles a compris qu'il avait là un super-terrain de jeu sado-maso.
On pouvait faire mettre les prisonniers à poil, les aligner contre un mur, les entasser comme des colis, comme des poulets déplumés... ou les traîner au bout d'une laisse.
Un jour, il m'a passé la laisse, et, bien sût, il a pris des photos.
Il les envoyait par mail au pays. Il se vantait de ce qu'il avait encore "fait faire à Lynndie".

Vous connaissez la suite. Les clichés ont été publiés.

Les gens ont été indignés.
Ils ont été indignés par les traitement infligés aux Irakiens.

Ils ont été indignés parce qu'une Américaine humiliait des Irakiens.

Ils ont été indignés parce qu'une jeune femme humilait des hommes.

A la guerre, les femmes se terrent, pleurent et crient quand on tue ou mutile les hommes de leur famille, quand on les bat, quand on les viole.
Elles soignent les blessés, enterrent les morts, conçoivent et élèvent les futurs combattants.
A la guerre, les femmes ne tuent pas, ne commandent pas.
Elles n'humilient pas les hommes.
Tout faux, Lynndie England.


Les gens ont été indignés, les gens se sont régalés,
ils ont été révulsés.
Ils ont été émoustillés par mes photos perverses.

Charles Graner m'a fait un enfant, un garçon, Carter.
Charles Graner a pris 10 ans.

Moi, j'en ai pris 3. Pour conspiration, mauvais traitements aux détenus et actes indécents.

Le lieutenant-colonel Steven Jordan, responsable de la prison d'Abu-Ghraib, a reçu une "réprimande" au terme de son procès, le 30 août dernier.


J'ai été libérée sur parole, après 521 jours de détention.


Je m'appelle England. Lynndie England.
Désormais, mon nom n'est plus celui d'un pays.




"A soldier's tale, l'histoire de Lynndie England,par Tara McKelvey


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