14 avril 2007

Elections 2007 : Partis de campagne

La campagne officielle s'affiche. Un exercice démocratique, obligé, dans lequel certain(e)s candidat(e)s font preuve, enfin, d'originalité et de personnalité. Revue en quelques catégories...

La Mère, la Nation, la Star

Une affiche tranche complètement sur les autres, celle de Ségolène Royal, je veux dire : "Ségolène". Choix glamour : le noir et blanc, visage de star (années 40 ? 60 ?), de femme mature, maternelle, attirante et rassurante. Ségolène, en fait, n'est pas candidate. Ségolène est "la France", la Nation. Une Marianne parmi nous. L'association des termes : "France", "Présidente", "Royal" constitue un vrai tiercé gagnant. Enfin, sur le principe...

Les Légitimistes

Les trois candidats de droite recourent logiquement au fond bleu légitimiste, code confirmé, éprouvé, évoquant le stabilité. Bayrou et Sarkozy glissent un motif de France rurale, en arrière-plan. Ils marchent ainsi sur les traces de "La force tranquille" miterrandienne, qui repiquait elle-même les motifs d'un affiche de Pétain, en la modernisant (quelle imagination, Monsieur Séguéla).

Question signatures, Bayrou joue le rassemblement des tendances opposées, avec "de toutes nos forces". Sarkozy râtisse large avec "Ensemble, TOUT devient possible". Une proclamation décalée pour un candidat peu identifié comme un rassembleur.

De Villiers se contente de lui-même. Sa coupe de cheveux, sa vêture, son large sourire évoquent une de ses sources majeures d'inspiration : la Droite chrétienne américaine. Il n'en proclame pas moins "la fierté d'être Français", brandissant un thème patriotique repris par les deux candidats leaders dans les sondages.

Les Grégaires

Ils ne sont pas seuls, n'exercent pas solitairement le pouvoir, mais sont porteurs d'un mouvement, portés par une foule. Chez Le Pen, c'est l'image traditionnelle et démagogique du tribun d'extrême-droite, amplifiée par la flamme tricolore. Rien de nouveau sous le soleil électoral depuis les Années 30. En écho aux affichettes militantes "Le Pen, vite. Très vite !", le "Votez Le Pen" constitue un programme à lui tout seul. C'est un prêcheur. Il invite à le rejoindre. S'il est élu, il guérira toutes les blessures du pays.

Bové, bien sûr, c'est tout autre chose. L'affiche évoque une tranquille rue de petite ville, de village. On y flâne, on y débat, ensemble. L'entourage flouté est multiracial, pris dans un soleil doré, bénéfique. La moustache, la chemise aux manches relevées rappellent qu'il est (ou fut) un paysan.

Le calme slogan "Un autre avenir est possible" est en accord avec une affiche porteuse d'une promesse, celle d'un futur harmonieux, apaisé. Elle est plus parlante, plus impliquante que celle des Verts.

Les Labellisées

Elles jouent les couleurs primaires, vert pomme pour Voynet (of course), rouge chaleureux pour Buffet. Question graphisme, le Parti remporte la compétition haut la main. Les Verts, eux, ont l'air d'avoir bricolé leur affiche dans les années 70... celles de leur émergence. En arrière-plan, la planète. Lointaine, un peu trop lointaine. Plus que la candidate, l'affiche vend une "Révolution écologique", qu'elle n'évoque guère.

Ces deux femmes ont un problème commun : elles doivent s'affirmer face à des concurrents du même bord, disputer les voix chiches des "antilibéraux". Le logo de Voynet tente donc d'assimiler "L'écologie", concept très galvaudé, aux "Verts".

Buffet, quant à elle, revendique la représentation de la très diversifiée "gauche populaire et antilibérale". Son accroche évoque la notion de "courage", qui, avec la déploration, semble constituer le socle idéologique subsistant de ce qui fut un parti de masse.

La Trotskyste

Chez Lutte Ouvrière, on ne rigole pas avec la Révolution. Le discours, la proclamation, le programme priment sur le visage de la candidate, pourtant en lice depuis les années 70.

L'affiche symbolise bien la réalité de Lutte Ouvrière : "Arlette" n'est qu'une porte-parole, une interface avec le public, et non la leader d'un mouvement.

Le Rural

Frédéric Nihous a un électorat acquis : celui des chasseurs voulant chasser ce qu'ils veulent, quand ils veulent, et où ils veulent (à bas, l'Europe !). Il associe à cela le thème plus large de la ruralité, menacée par le retrait progressif des services publics (et des subventions européennes).

Il lui suffit donc de jouer sur l'identification de l'électeur avec lui, et de se mettre en situation dans un paysage boisé. Sa jeunesse prouve la pérennité, l'actualité du mouvement. Elément primordial : le logo "CPNT", puissant signe de ralliement identitaire.

Le Branché

Au contraire de l'ascétique et asexuée Lutte Ouvrière, la Ligue Communiste Révolutionnaire a toujours été attentive aux tendances, aux courants sociaux.

Cette perméabilité à l'air du temps est confirmée par l'affiche de Besancenot. Elle est très ludique et graphique, accroche "Nos vies valent plus que leurs profits" et guillemets mahousses inclus. Quant au sigle "LCR", ils faut le chercher ! Besancenot, c'est juste le jeune candidat des Jeunes...

Le Pas clair

Encore plus opaque que L.O dans son fonctionnement, le Parti des Travailleurs, troisième mouvement trotskyste, recourt à une gamme de couleurs très "world", "mouvement pour la paix"... avec un slogan anti-européen ! Bénéficiant d'un vieux réseau issu de la 3ème République, Schivardi se réclame "des maires", mêlant légitimités politique et sociétale. Un savant brouillage de cartes, favorisé par la bouille d'élu local du candidat...


Alors...

De mon point de vue 100% subjectif, quatre affiches sortent du lot tout en étant signifiantes. Ségolène Royal joue la rupture franche. Elle prend peut-être un risque vis-à-vis d'un électorat non "parisien", non "cultivé", qui pourrait assimiler le noir et blanc au tristounet et au ringard plus qu'à l'élégante intensité. Le Pen, Bové, et, dans une moindre mesure, Nihous présentent des univers très évocateurs pour leurs cibles. Ils créent ainsi une connivence génératrice de voix, loin des exercices conventionnels ou purement graphiques de leurs rivaux.

Quoi qu'il en soit, rendez-vous le 22 avril...

PS : Paradoxalement, dans un pays où 80% des habitants résident en milieu urbain, Bové, candidat emblématique des luttes paysano-écolos, est le seul et unique candidat à mettre en scène la ville sur son affiche...


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