11 octobre 2009

"Man crazy", Carol Joyce Oates : Voyage au bout de la nuit



La déchéance des filles consécutive aux traumatismes de l'enfance est un thème récurrent de la littérature noire anglo-saxonne. "Man crazy" (folle de l'homme) de Joyce Carol Oates pousse l'exercice dans ses extrêmes retranchements, tant dans la progression vers l'horreur que dans une subtile et inattendue rédemption.

Man crazy, a novel by Carol Joyce Oates - Photos by Alice Wells - Man Crazy, chronique par Thierry Follain, conseil éditorial, concepteur-rédacteur, web rédacteur - 06 87 29 38 73Il y a un père dans la vie d'Ingrid Boon et un mari dans celle de sa mère Chloë, sublime, blonde et paumée. Un homme, un vrai, un pilote revenu étrange, instable, dangereux, de ses années au Vietnam. La fuite de Lucas, pourtant violemment et perversement présent, vont pousser peu à peu mère et fille vers une douce folie.

Man Crazy, roman de Carol Joyce Oates - Photos par Alice WellsMoins douce pour Ingrid, "Doll-girl" au teint et à la chevelure lumineux se donnant dès treize ans à tout homme ou garçon qui le veut, dans sa quête désespérée de reconnaissance, sombrant dans l'auto-mutilation, la dope, l'anorexie, avant de devenir la chose, la "Dog-girl" soumise d'un "biker" impitoyable régnant sur une secte satanique. No future en noir et blanc.

Si certains passages évoquent le frémissant naufrage de l'héroïne de "Putain" de Nelly Arcan, d'autres, un cinquième du roman en gros, sont carrément insoutenables dans l'expression et la sensation des sévices infligés. Comme Mo Hayder, Joyce Carol Oates ne connaît pas de mesure en la matière.

Le livre est construit en chapitres souvent courts, annoncés par des titres pleine page, autant d'étapes vers l'enfer, au sens propre du terme : " A woman a man would die for", "You trust your Daddy, don't you ?", "A woman is born to bleed", "The bones", "In the earthen cellar"…

Ce récit à la première personne est cependant porteur de lumière, d'amour et d'espoir. Ceux-ci émergent dans les quatre dernières pages seulement, lorsqu'apparaît ce "you", ce "toi" auquel s'adresse soudain Ingrid. Oates en avait semé des traces à intervalles régulier, mais le lecteur pris dans la spirale noire avait peu de chance de s'y attarder. Ce n'en est que plus saisissant.
Du grand art intimiste et intense, certes pas de tout repos pour celui ou celle qui découvre ce roman d'une très grande noirceur…




Photos : Alice Wells


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