12 décembre 2006

"morgen" -1- Les paupières à vif (extrait)

Jeune Allemande de très bonne famille, Else voit sa vie brillante, aisée, brisée à 26 ans. Enlevée pour des motifs politiques, elle subit quatre mois de réclusion humiliante, avilissante. Libérée contre rançon, la jeune femme fait la rencontre improbable d'un homme plus âgé, qui lui redonne vie par sa tendresse, sa considération. Confrontée à nouveau à une mort sanglante, Else reconstruit sa vie en une contrée lointaine, forte d'elle-même, de son fils, de l'amour, de toutes les formes d'amour qu'elle porte en elle et suscite. Par touches impressionnistes, "morgen" narre son histoire.

Chapitre 1 - Les paupières à vif (extrait)

La porte de la caminette s'ouvre.
La voix lourde de menaces, précise, mécanique, s'élève une fois encore. Les sacs de jute sont ôtés par des hommes pressés, aux aguets. La grande fille blonde apparaît allongée, jambes repliées, mains et chevilles menottées, yeux et lèvres obturés.
Une fois les bracelets métalliques ouverts, ils la mettent debout sans ménagement. Comme d'habitude.
Sa respiration est courte. Elle vacille.

L'air frais baigne son visage asservi. Les odeurs de moisi, d'essence et de caoutchouc vieillissant se dissipent.
Ses yeux et ses lèvres demeurent clos par de larges bandes d'adhésif noir. Ses poignets, ses chevilles sont douloureux. Elle sent la morsure qu'a laissée l'acier sur eux. Sa gorge est sèche.
Elle inspire, très fort.
Demeure strictement immobile - leur dressage a été efficace - puis écoute :
- Ne te retourne pas. Ne cherche pas à nous voir, ni nous, ni le camion, ni son numéro. Tu vas compter jusqu'à cent, et tu ne bouges pas avant que ce soit fini, OK ? Ce serait dommage de te faire buter maintenant.

Il la fait avancer en lui tenant le coude. La plaque contre un mur rugueux. Maintient la pression sur sa nuque quelques instants. Tremblante, elle prend conscience du vent froid et pénétrant.


(...)

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